Avec
l'Oscar décroché pour "The Artist", Jean Dujardin va-t-il rejoindre le
rang des stars françaises (Juliette Binoche, Marion Cotillard...)
devenues égéries de grandes marques internationales ?
L'analyse de Paul
Morizet, responsable du développement de GreenLight en Europe.
Ex-"star"
de la série TV "Un gars une fille", vedette déjantée de "Brice de Nice"
puis d’"OSS 117", Jean Dujardin vient de faire son entrée dans la cour
des grands. Celle des artistes "bankables", dont le seul nom permet de
financer un film. Grâce au rôle muet de George Valentin dans "The
Artist", de Michel Hazanavicius, il devient le premier comédien français
oscarisé. "Cette visibilité internationale lui ouvre de nouvelles
perspectives, tant sur le plan artistique que sur le plan commercial",
commente Paul Morizet, responsable Europe et pays émergents de
GreenLight, filiale de Corbis (groupe Bill Gates) et agence spécialisée
dans le celebrity endorsement. Entretien.
Quel
va être l’impact de l’Oscar décroché le 26 février à Los Angeles par
Jean Dujardin sur son image et sa valeur commerciale ?
Il
ne rejoint pas la fameuse A list, qui regroupe les stars mondiales
comme George Clooney, Brad Pitt, etc. dont les émoluments annuels
peuvent atteindre 70 millions de dollars (pour Johnny Deep, par
exemple). Mais il acquiert une visibilité internationale sur de nouveaux
territoires qu’il n’avait pas jusqu’alors, même si c’est un artiste
connu en France. Reste à savoir s’il trouvera une marque avec laquelle
il se sentira des affinités. Dans l’Hexagone, son image est gérée par
son frère, avocat. Aux États-Unis, il vient de signer avec WME (William
Morris Endeavor), une des plus puissantes agences de talents
hollywoodiens, qui gère la carrière de stars comme Robert De Niro, Clint
Eastwood, Matt Damon ou Ridley Scott.
De
notre côté, nous avons reçu des preuves d’intérêts pour cet artiste
venant de marques américaines haut de gamme. Peut-être suivra-t-il le
même chemin que Marion Cotillard, devenue l’égérie de Dior après son
Oscar pour La Môme, ou encore de Juliette Binoche, ambassadrice de
charme de Lancôme.
Comment les marques repèrent-elles les artistes qui peuvent incarner leurs valeurs ?
Certaines
marques repèrent les futures perles rares très en amont des Oscars.
Avant que le montant des contrats n’explose. Mais il faut pour cela
disposer des structures et des compétences nécessaires. Il faut savoir
comment fonctionne l’industrie de l’entertainment et du cinéma. Marion
Cotillard, par exemple, n’était pas une inconnue pour LVMH, lorsqu’elle a
signé son contrat, sur une base d’environ 2 millions de dollars, selon
mes estimations. À titre de comparaison, le ticket d’entrée pour Johnny
Deep est d’environ 6 millions de dollars.
Justement, sur quels critères repose la monétisation des acteurs ?
Ce
qui compte avant tout, c’est leur notoriété et leur visibilité. Avec un
Oscar, leur carrière internationale et leur visibilité montent en
puissance. Ensuite, tout dépend des plans médias des annonceurs, de la
communication prévue. Les tarifs varient énormément en fonction de leur
exposition médiatique au service de la marque (sur des médias
classiques, sur des supports viraux ?), du temps demandé (pour le
tournage des spots, pour la présence à des dîners de bienfaisance, par
exemple), de l’implication de la personnalité (s’agit-il d’intervenir et
de présenter un produit, de porter des vêtements, etc.). Parfois, les
stars ne demandent rien. Certaines décident de faire gratuitement la
promotion de jeunes créateurs.
Quels sont les conseils que vous donneriez à un annonceur pour choisir la personnalité qui représentera sa marque ?
Il
faut faire du sur-mesure. Il doit y avoir une véritable adéquation
entre les valeurs de la star et celles de la marque. C'est
indispensable.
Les
réseaux sociaux, qui peuvent être source de révélation sur la vraie vie
de ces icônes des médias, compliquent-ils les choix des annonceurs ?
Au
contraire. Les réseaux sociaux jouent le rôle d'alerte préalable. Ils
mettent en lumière très tôt des comportements erratiques, la
personnalité cachée des stars. Ils rendent la sélection plus rapide.
Par Régine EVENO , 27/02/2012