Au pieds du Dôme des Invalides, se trouve l'Hôtel Biron, construit
entre 1728 et 1730 et acquis par l'Etat en 1905, et où habitait l'artiste à
partir de 1908.
Ici, près de 500 sculptures de Rodin (1840-1917) sont présentées au public dans
l'enceinte du musée et un nombre considérable de dessins.
Le musée, ouvert en 1919, suite aux donations de Rodin en 1916,
possède par ailleurs des toiles issues de la collection privée de Rodin de
maîtres aussi éminents que Van Gogh, Monet, Renoir... Sans oublier les
photographies qui donnent une autre vision de ses oeuvres.
A l'extérieur, le parc de 3 hectares, bordé de tilleuls, est absolument superbe, un savant mélange de fontaines, bronzes et plantations variées.
A noter : comme pour tous les musées nationaux, l'accès en est gratuit le
premier dimanche de chaque mois.
Un don inné pour la sculpture
François-Auguste-René Rodin naquit à Paris en 1840. Il reçu une éducation sérieuse et remplie d'affection. Le jeune Auguste va en classe jusqu'à l'âge de 14 ans. C'est un
élève médiocre, il a une mauvaise orthographe, mais il est si doué pour
le dessin que son père, après s'y être opposé, le laisse entrer à
l'École de dessin et de mathématiques (aujourd'hui École des Arts
décoratifs), appelée alors la "Petite École", parce qu'on y formait des
artisans seulement pour l'industrie.
Le jeune Rodin pourra ainsi apprendre un métier qui l'aidera à
gagner sa vie tout en poursuivant des études qui favoriseront sa
carrière artistique.
Il a la chance d'y avoir comme professeurs Lecoq de
Boisdaubran et Carpeaux (auteur du fameux groupe de la Danse). Mais
c'est un sculpteur nommé Fort qui oriente définitivement Rodin vers la
sculpture et décide de sa vocation.
Aussitôt, les professeurs sont unanimes à reconnaître les dons
extraordinaires du jeune artiste. Un sculpteur fameux de l'époque,
Maindron, consulté à son tour, formule un avis identique.
Les parents donnent alors leur accord, et Auguste Rodin se présente à
l'École des Beaux-Arts. Mais, aussi incroyable que cela puisse
paraître, il est refusé au concours d'admission trois fois de suite. Il
n'y mettra jamais les pieds.
Un travailleur acharné
Le jeune sculpteur travaille durement pour gagner sa vie chez un
entrepreneur de maçonnerie et de décoration, où il apprend les détails
du métier et acquiert une prodigieuse habileté d'exécution.
Il est à la
fois mouleur, ornemaniste, créateur de modèles pour l'orfèvrerie et
l'ébénisterie. En même temps, il cherche à combler ses lacunes en
fréquentant assidûment le Louvre et en lisant les œuvres des grands
écrivains. La "Divine Comédie" de Dante lui laissera une profonde
impression dont on retrouvera ultérieurement les traces dans plusieurs
de ses sculptures.
En 1862, à la suite de la mort de sa soeur, Auguste, désespéré, entre à son tour
chez les pères du Saint-Sacrement, congrégation française qui vient
d'être fondée par saint Pierre-Julien Eymard. Celui-ci est un supérieur
clairvoyant. Ayant autorisé le novice à modeler son buste, il comprend
vite que la véritable vocation de Rodin n'est pas le cloître ; il lui
trouve un atelier pour lui permettre de retourner à son art.
Le travail continue, dur mais passionnant. Toute œuvre terminée
augmente chez Rodin le désir de recherche et de perfection. Son talent
mûrit peu à peu.
En 1864 il fait la connaissance de Rose Beuret, qui a quatre ans de
moins que lui et qui travaille à Paris comme ouvrière en confection.
Elle unira sa vie à la sienne, et ne le précédera dans la mort que de
quelques mois. Comme il n'a pas d'argent pour payer des modèles, c'est
elle qui pose pour lui. Ils vivent pauvrement, mais ils sont heureux.
Rodin épousera Rose sur le tard, consacrant ainsi la réussite d'une
longue union.
Première renommée
Après la guerre de 1870, Rodin se rend à Bruxelles pour travailler à la
décoration de la Bourse. En 1875, il peut enfin réaliser un rêve
longuement caressé : connaître l'Italie. Venise, Florence, Rome, Naples
lui révèlent leurs trésors. Les œuvres de Donatello, et surtout celles
de Michel-Ange, produisent sur lui une profonde impression. Il visite
ensuite les cathédrales de France, visite qu'il renouvellera souvent au
cours de sa carrière.
De retour à Paris, Rodin expose au Salon des Beaux-Arts sa première
grande œuvre : la statue en plâtre d'un jeune homme, représentant l'Age
d'airain. Sculptée grandeur nature, la statue donne une telle impression
de vie, qu'elle provoque un vif incident : on accuse l'artiste d'avoir
fait un moulage sur nature, ce qui est strictement interdit par le
règlement. On crie au scandale, les polémiques se succèdent.
Heureusement, un manifeste collectif, signé par des peintres et des
sculpteurs, vient au secours de l'artiste, pour témoigner de sa bonne
foi et de son génie. Une enquête est enfin ouverte et les accusateurs de
Rodin sont confondus. L'État, plus tard, réparera cette offense en lui
achetant un bronze, coulé d'après la statue contestée, et en lui
accordant une médaille.
Ce premier conflit que rencontre Rodin provoque un grand
retentissement en sa faveur. L'Age d'airain, en attirant l'attention du
public sur ce sculpteur de 37 ans, inaugure le vrai début de sa
carrière, qui durera 40 ans (jusqu'à sa mort).
Bustes, statues et groupes
On peut classer l'énorme production de Rodin en trois types d'œuvres : les bustes, les statues et les groupes.
Dans ses bustes, Rodin cherche plutôt à évoquer la pensée du modèle qu'à en rendre l'exacte figure. Les yeux sont pleins d'expression, une vie intense émane des visages. Les bustes les plus connus sont ceux de Victor Hugo, d'Henri Rochefort, de Falguière, de Clemenceau, d'Octave Mirbeau, de Bernard Shaw, de Gustave Mahler, de Madame Vicunha et plusieurs de Rose Beuret. Ils sont exécutés en bronze, en marbre, en terre cuite ou en plâtre.
Les statues
Les statues sont empreintes d'une puissance inconnue jusqu'alors.
Elles expriment au paroxysme les passions humaines, la souffrance, la
tension spirituelle. Les corps sont admirablement modelés. Citons
notamment Saint Jean-Baptiste prêchant, Balzac, qui marque une date dans
l'histoire de la sculpture, et le fameux Penseur , érigé devant le
Panthéon et actuellement au musée Rodin.
Mais c'est peut-être avec les groupes que Rodin atteint le sommet de
son art : l'Éternelle Idole, le Réveil, le Baiser, les Bourgeois de
Calais et la grandiose Porte de l'Enfer.
Des œuvres à part
Une place à part doit être réservée à des compositions exquises et
originales, telles La Main de Dieu, qui représente une main en train
d'extraire de la matière des figures humaines ; le Secret : deux mains
qui cachent un objet ; et surtout l'admirable Cathédrale : les mains
droites d'un homme et d'une femme qui s'unissent pour former un arc
ogival.
La "porte de l'enfer"
En 1880, Rodin reçoit la commande d'une porte monumentale destinée au Musée des Arts décoratifs. Inspiré par les "Portes du Paradis" de Ghiberti (à Florence), il se met à l'œuvre avec passion et y travaille pendant 20 ans.
De cet effort fécond et puissant naît la Porte de
l'Enfer, extraordinaire composition de 186 figures qui tourbillonnent
dans un vertige d'angoisse, de terreur, de volupté, et frémissent de
vie.
L'inspiration débordante de l'artiste dépassa le cadre prévu, et il
dut renoncer à placer la porte à l'endroit qui lui était destiné, mais
elle demeura pour lui une source d'inspiration intarissable. Il en a
extrait les modèles de certaines figures qu'il a agrandies, créant ainsi
plusieurs nouveaux chefs-d'œuvre, notamment le Penseur.
Bien qu'inachevée, elle a été exposée à l'exposition universelle de 1900.
Drame de la statue de Balzac
La Société des Gens de Lettres ayant commandé à Rodin une statue de
Balzac, le sculpteur effectua une série de recherches avant de
s'attaquer à l'œuvre définitive : études de la tête, du corps nu et
enfin du personnage habillé. Huit ans après, la statue présentée au
Salon de la Société nationale (1898) provoque un des plus grands
scandales de l'histoire de la sculpture.
Le comité de la Société, dominé par des préjugés académiques, refuse
l'œuvre, ne voulant pas la reconnaître comme étant la statue de Balzac.
Les amis de Rodin protestent vigoureusement, et ouvrent une
souscription pour acheter la statue et l'ériger sur une place publique.
Mais le sculpteur retire l'œuvre du Salon, déclare qu'elle ne sera
érigée nulle part, et la fait transporter dans sa propriété de Meudon.
Pourtant, c'était pour lui un chef-d'œuvre, une création qu'il
aimait plus que les autres, — "la résultante de toute ma vie, le pivot
même de mon esthétique", disait-il.
Consécration d'un génie
Malgré ces diverses oppositions, Rodin reçut quand même de son
vivant la consécration de son génie. L'Exposition universelle de 1900,
où il eut un stand pour lui seul, place de l'Aima, fut l'occasion d'un
véritable triomphe.
En 1907, il acheta l'Hôtel Biron, où il établit son atelier et
organisa l'exposition de ses œuvres.Plus tard, il fit don à l'État de
l'édifice, sous l'obligation d'y créer après sa mort le "musée Rodin".
La grande guerre assombrit ses derniers jours et, le 17 novembre
1917, Auguste Rodin s'éteignit à Meudon. Les circonstances empêchèrent
de lui faire des funérailles grandioses, mais sa renommée s'était déjà
propagée dans le monde entier.
Ce génial précurseur de la sculpture du XXème siècle fut en même temps l'un des plus illustres artistes français.
Ses statues sont visibles rue de Varenne, au musée dont les
installations furent inaugurées au printemps de 1918. Là, les jeunes
sculpteurs peuvent étudier chronologiquement l'œuvre d'un artiste à la
fois hardiment novateur et remarquable connaisseur des maîtres
d'autrefois.
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