Démangeaisons irrépressibles, réactions
subreptices sur notre visage et notre corps, mouvements de nos mains dans
l’espace, tous ces mouvements pour la plupart incontrôlables, en disent bien
plus long que des paroles.
Stephen Bunard, coach en communication et
synergologue (expert en communication non verbale) tire un bilan de la
campagne.
Marine Le Pen. La candidate qui
marque le pas au plan de son langage corporel est assurément la tête de file du
Front National. Elle montre des codes de séductrice et de dominante réunis :
elle crée du lien avec l’interlocuteur en présentant plus volontiers la partie
gauche de son visage. Elle a aussi dans ses discours, des gestes élevés dans la
zone du thorax, ses deux mains sont présentes, peu de contacts entre les mains
et ses poignets sont ascendants. Quand elle se met en position d’attaquante, le
corps se penche vers la droite et la langue sort davantage pour tacler l’autre
ou répondre aux vacheries.
Nicolas Sarkozy. La gestuelle du
président-candidat a fait couler beaucoup d’encre, certains ont même évoqué des
tics. Notamment ses mouvements d’épaules pourtant très positifs, ils expriment
la volonté de convaincre, d’être à la hauteur, de performer. S’il s’agit de
l’épaule gauche, cela traduit un défi personnel, Sarkozy a eu ce mouvement
fréquemment lorsqu’il s’est déclaré candidat à la présidentielle. D’autres
gestes reviennent souvent chez lui, une micro-traction de la veste – tendre les
pans de sa veste pour la remettre droite – signifie « j’entre dans le match »,
un rictus gauche marque l’agacement ou encore « les lèvres en huître » – lèvres
rentrées et pincées –signifient : « j’ai envie de dire quelque chose mais je me
retiens ». La bouche est le lieu de tous les non-dits. De même, il touche
souvent ses interlocuteurs car celui qui touche est perçu comme dominant.
Vouloir l’obliger à se contrôler est contre-productif car son expressivité est
un atout.
Jean-Luc Mélenchon. Les
idéologues comme Nathalie Arthaud, Jean-Luc Mélenchon, au discours très radical,
sont parmi les plus expressifs, mais avec des codes de communication agressifs :
des gestes élevés au-dessus des épaules, le corps en avant, la main droite,
celle qui sert à marteler, convaincre, expliquer est prédominante. Quand on
examine la bouche du frontiste de gauche, la partie gauche de son visage, qui
renvoie à l’intime, est souvent descendante. Un signe qu’il y a de l’amertume
chez lui. L’expression du dégoût est également souvent visible. De même, à
droite, la lèvre supérieure remonte – on appelle cela la « lèvre de chien » –
elle traduit un certain mépris.
François Bayrou. Le Béarnais ne
cligne pas des yeux ?L’analyse de la gestuelle du candidat MoDem met en évidence
une absence relative de clignements de paupières, cette action qui signifie que
l’on enregistre une information. De même, il hausse très peu les sourcils.
Conséquence : en apparence, cela donne quelqu’un de figé et d’inexpressif. Un
défaut qui est peut-être lié à l’hyper contrôle de l’ancien bègue qu’est
François Bayrou. Si le visage brouille l’impression de sincérité, le corps est
plus investi dans le propos tenu. Quand il met notamment ses mains en bourse –
la main est en avant et les doigts se rejoignent. Un geste de sincérité qui veut
dire : « oui, je suis associé aux propos que je tiens ». Il devrait donc aborder
davantage des sujets qui font parler ses tripes.
François Hollande. Le socialiste
est peu expressif sur les plateaux télé. Sa main droite prédomine, synonyme du
contrôle qu’il exerce sur son discours. On peut toutefois noter qu’il place
souvent ses deux mains en avant, comme s’il tenait un paquet ou figurait une
barrière, doigts écartés, une posture qui marque son souci d’un rapport
égalitaire. De même, le moulinet du poignet, qu’il utilise le plus souvent en
meeting, est associé au changement. Ca tombe bien. Mais c’est une attitude comme
tant d’autres empruntée à son mentor François Mitterrand. Le pot-aux-roses a été
éventé car tout le monde a pu le remarquer. Hollande gagnerait à plus de
spontanéité. Celle-là même qui fait qu’on a pu voir sa paupière gauche tomber
plus vite que la droite lorsqu’il a évoqué son combat contre la spéculation
financière, un sujet qui le touche sans doute davantage.
Stephen Bunard est coach en communication et
spécialiste du langage corporel (synergologue). Depuis 2002, il accompagne des
dirigeants, des hauts fonctionnaires et des élus à la prise de parole en public
et avec les médias, en temps calme et en situation de crise. Il intervient
régulièrement à l’École Nationale d’Administration (ENA) et à
l’Université Paris-Dauphine. Il est le coauteur de « Le Tout Politique »
où il dresse le
portrait gestuel des présidentiables 2012 et de « Gestion de crise » mars 2012).
En savoir plus : www.coachingandcom.com
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