mardi 24 avril 2012

La gestuelle des politiques décryptée

Démangeaisons irrépressibles, réactions subreptices sur notre visage et notre corps, mouvements de nos mains dans l’espace, tous ces mouvements pour la plupart incontrôlables, en disent bien plus long que des paroles.
Stephen Bunard, coach en communication et synergologue (expert en communication non verbale) tire un bilan de la campagne.


Marine Le Pen. La candidate qui marque le pas au plan de son langage corporel est assurément la tête de file du Front National. Elle montre des codes de séductrice et de dominante réunis : elle crée du lien avec l’interlocuteur en présentant plus volontiers la partie gauche de son visage. Elle a aussi dans ses discours, des gestes élevés dans la zone du thorax, ses deux mains sont présentes, peu de contacts entre les mains et ses poignets sont ascendants. Quand elle se met en position d’attaquante, le corps se penche vers la droite et la langue sort davantage pour tacler l’autre ou répondre aux vacheries.


Nicolas Sarkozy. La gestuelle du président-candidat a fait couler beaucoup d’encre, certains ont même évoqué des tics. Notamment ses mouvements d’épaules pourtant très positifs, ils expriment la volonté de convaincre, d’être à la hauteur, de performer. S’il s’agit de l’épaule gauche, cela traduit un défi personnel, Sarkozy a eu ce mouvement fréquemment lorsqu’il s’est déclaré candidat à la présidentielle. D’autres gestes reviennent souvent chez lui, une micro-traction de la veste – tendre les pans de sa veste pour la remettre droite – signifie « j’entre dans le match », un rictus gauche marque l’agacement ou encore « les lèvres en huître » – lèvres rentrées et pincées –signifient : « j’ai envie de dire quelque chose mais je me retiens ». La bouche est le lieu de tous les non-dits. De même, il touche souvent ses interlocuteurs car celui qui touche est perçu comme dominant. Vouloir l’obliger à se contrôler est contre-productif car son expressivité est un atout.


Jean-Luc Mélenchon. Les idéologues comme Nathalie Arthaud, Jean-Luc Mélenchon, au discours très radical, sont parmi les plus expressifs, mais avec des codes de communication agressifs : des gestes élevés au-dessus des épaules, le corps en avant, la main droite, celle qui sert à marteler, convaincre, expliquer est prédominante. Quand on examine la bouche du frontiste de gauche, la partie gauche de son visage, qui renvoie à l’intime, est souvent descendante. Un signe qu’il y a de l’amertume chez lui. L’expression du dégoût est également souvent visible. De même, à droite, la lèvre supérieure remonte – on appelle cela la « lèvre de chien » – elle traduit un certain mépris.


François Bayrou. Le Béarnais ne cligne pas des yeux ?L’analyse de la gestuelle du candidat MoDem met en évidence une absence relative de clignements de paupières, cette action qui signifie que l’on enregistre une information. De même, il hausse très peu les sourcils. Conséquence : en apparence, cela donne quelqu’un de figé et d’inexpressif. Un défaut qui est peut-être lié à l’hyper contrôle de l’ancien bègue qu’est François Bayrou. Si le visage brouille l’impression de sincérité, le corps est plus investi dans le propos tenu. Quand il met notamment ses mains en bourse – la main est en avant et les doigts se rejoignent. Un geste de sincérité qui veut dire : « oui, je suis associé aux propos que je tiens ». Il devrait donc aborder davantage des sujets qui font parler ses tripes.


François Hollande. Le socialiste est peu expressif sur les plateaux télé. Sa main droite prédomine, synonyme du contrôle qu’il exerce sur son discours. On peut toutefois noter qu’il place souvent ses deux mains en avant, comme s’il tenait un paquet ou figurait une barrière, doigts écartés, une posture qui marque son souci d’un rapport égalitaire. De même, le moulinet du poignet, qu’il utilise le plus souvent en meeting, est associé au changement. Ca tombe bien. Mais c’est une attitude comme tant d’autres empruntée à son mentor François Mitterrand. Le pot-aux-roses a été éventé car tout le monde a pu le remarquer. Hollande gagnerait à plus de spontanéité. Celle-là même qui fait qu’on a pu voir sa paupière gauche tomber plus vite que la droite lorsqu’il a évoqué son combat contre la spéculation financière, un sujet qui le touche sans doute davantage.

Stephen Bunard est coach en communication et spécialiste du langage corporel (synergologue). Depuis 2002, il accompagne des dirigeants, des hauts fonctionnaires et des élus à la prise de parole en public et avec les médias, en temps calme et en situation de crise. Il intervient régulièrement à l’École Nationale d’Administration (ENA) et à l’Université Paris-Dauphine. Il est le coauteur de « Le Tout Politique » où il dresse le portrait gestuel des présidentiables 2012 et de « Gestion de crise » mars 2012).

En savoir plus : www.coachingandcom.com

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire