Benoît
Sillard est PDG de CCM Benchmark Group (éditeur du JDN), il a
précédemment occupé les fonctions de Délégué interministériel aux usages
de l'internet, fondateur de TV-Radio et PDG de Fun Radio - a publié un livre en mai 2011 : Internet
en 2049, maître ou esclave du numérique.
Comme l'a montré Jürgen Habermas dans ses travaux classiques, nos démocraties délibératives se sont construites autour d'un espace public, d'abord "bourgeois" puis "communicationnel" car orienté par de grands médias. Or Internet construit sous nos yeux un espace public d'un genre tout à fait nouveau, à la fois local et mondial, fondé sur la possibilité de participation de chaque individu depuis un point donné du réseau, une information pouvant être répliqué des millions de fois si elle coïncide avec un événement d'intérêt pour ses réplicateurs.
Le professeur de Harvard Yochai Benkler a souligné la portée de cette révolution numérique dans le domaine des libertés :
Iran, 20
juin 2009 : le pouvoir est contesté dans la rue, les journalistes sont muselés.
Lors d'une manifestation durement réprimée, une jeune femme (Neda Agha-Soltan)
est abattue. Des manifestants réalisent photos et vidéos qui sont immédiatement
diffusées sur le net, avec Facebook et YouTube comme premiers relais, puis les
blogs et enfin les médias. Elle sera vue des centaines de millions de fois.
Neda est devenu le symbole de toutes les victimes des oppressions politiques. Mais c'est le téléphone portable et Internet qui en ont fait un symbole, et non plus les médias traditionnels. Depuis, les révolutions dans les pays arabes ont amplement confirmé cette évolution.
Neda est devenu le symbole de toutes les victimes des oppressions politiques. Mais c'est le téléphone portable et Internet qui en ont fait un symbole, et non plus les médias traditionnels. Depuis, les révolutions dans les pays arabes ont amplement confirmé cette évolution.
La
communication est au cœur du pouvoir en même temps que des réseaux, comme
l'observe Manuel Castells, sociologue de l'université de Berkeley : "Les
réseaux de communication sont les réseaux fondamentaux pour la fabrique du
pouvoir dans la société."
Et il souligne l'importance d'Internet, qui est devenu le moyen principal de la communication humaine où convergent tous les anciens et nouveaux médias : "La construction du sens peut seulement procéder d'une préservation du bien commun formé par les réseaux de communication, rendu possible par l'Internet, une création libre des amoureux de la liberté."
Dans tous les pays soumis à la censure et à la répression de régimes autoritaires, Internet et l'ensemble des réseaux numériques constituent des horizons d'émancipation.
Et il souligne l'importance d'Internet, qui est devenu le moyen principal de la communication humaine où convergent tous les anciens et nouveaux médias : "La construction du sens peut seulement procéder d'une préservation du bien commun formé par les réseaux de communication, rendu possible par l'Internet, une création libre des amoureux de la liberté."
Dans tous les pays soumis à la censure et à la répression de régimes autoritaires, Internet et l'ensemble des réseaux numériques constituent des horizons d'émancipation.
Dans les
régimes plus libéraux, les grandes libertés démocratiques d'opinion,
d'expression et de réunion connaissent une seconde jeunesse avec Internet. Jamais
les individus ne se sont autant exprimés comme en témoigne le succès foudroyant
des outils participatifs et contributifs que sont les blogs, les wikis, les
tweets et les réseaux sociaux.
La
construction de l'opinion publique se trouve bouleversée : on assiste à
une crise des intermédiaires traditionnels qui fabriquaient jadis les
représentations dominantes de la société.
Les médias
one to many (radio, presse, télévision) faisaient la part belle à la
"parole dominante" de l'intellectuel, de l'expert, du journaliste...,
qualifiée de "pensée unique" par leurs détracteurs, Par ailleurs, ces
médias étaient sous contrôle étatique ou commercial, concentrés et en faible
nombre, donc avec une moindre compétition pour l'accès à la vérité des faits et
une moindre diversité des points de vue exprimés. Or l'Internet contributif et
les moyens de production numérique démocratisés (texte, audio, vidéo)
permettent aux multitudes citoyennes de s'exprimer directement, de commenter
l'actualité, de poser leurs problèmes concrets et de commencer à imaginer des
solutions nouvelles. "We the media", selon la formule très parlante
de Dan Gillmor.
Comme l'a montré Jürgen Habermas dans ses travaux classiques, nos démocraties délibératives se sont construites autour d'un espace public, d'abord "bourgeois" puis "communicationnel" car orienté par de grands médias. Or Internet construit sous nos yeux un espace public d'un genre tout à fait nouveau, à la fois local et mondial, fondé sur la possibilité de participation de chaque individu depuis un point donné du réseau, une information pouvant être répliqué des millions de fois si elle coïncide avec un événement d'intérêt pour ses réplicateurs.
Le professeur de Harvard Yochai Benkler a souligné la portée de cette révolution numérique dans le domaine des libertés :
"L'effet
le plus fondamental et probablement le plus durable de l'Internet porte sur la
pratique culturelle de la communication publique. Internet permet aux individus
d'abandonner l'idée d'un espace public principalement bâti sur des déclarations
stéréotypées prononcées par un petit groupes d'acteurs socialement appelés 'les
médias' (nationalisés ou commerciaux) et distincts de la société, afin
d'évoluer vers un ensemble de pratiques sociales où chacun peut prendre part au
débat [...] les individus peuvent mener leur vie en collectant les observations
et en se forgeant des opinions tout en étant conscients qu'elles constituent de
réelles évolutions dans un débat public plus large, plutôt qu'une simple
matière à rêverie."
Les médias
avaient été désignés comme le quatrième pouvoir politique, s'ajoutant à
l'exécutif, au législatif et au judiciaire. Internet est devenu le
"cinquième pouvoir" (Thierry Crouzet), bien plus puissant encore du
point de vue de l'opinion publique, capable de surveiller les dérives du
pouvoir politique, mais aussi bien des autres pouvoirs présents dans toute
société. Les entreprises, par exemple, savent bien que leur image de marque
– et au-delà leur succès marketing ou leur valorisation boursière –
peut être à tout moment atteinte par la révélation d'un "scandale"
lié à une corruption, une malversation, une pratique anti-humanitaire ou une
activité contraire au souci affiché de développement durable.
En conférant
aux individus et aux réseaux d'individus une parole libre, Internet bouleverse
donc les conditions d'exercice du pouvoir que nous avions connues à toutes les
époques antérieures. La démocratie d'opinion imposée par des intermédiaires
reconnus devient une démocratie d'opinion libérée, où tous les individus et tous
les groupes ont une même liberté d'accès à l'espace public de communication.
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