samedi 18 février 2012

Le musée Rodin, entre verdure et oeuvres d'art

Au pieds du Dôme des Invalides, se trouve l'Hôtel Biron, construit entre 1728 et 1730 et acquis par l'Etat en 1905, et où habitait l'artiste à partir de 1908. 


Ici, près de 500 sculptures de Rodin (1840-1917) sont présentées au public dans l'enceinte du musée et un nombre considérable de dessins.

Le musée, ouvert en 1919, suite aux donations de Rodin en 1916, possède par ailleurs des toiles issues de la collection privée de Rodin de maîtres aussi éminents que Van Gogh, Monet, Renoir... Sans oublier les photographies qui donnent une autre vision de ses oeuvres.


A l'extérieur, le parc de 3 hectares, bordé de tilleuls, est absolument superbe, un savant mélange de fontaines, bronzes et plantations variées. 

A noter : comme pour tous les musées nationaux, l'accès en est gratuit le premier dimanche de chaque mois. 

Un don inné pour la sculpture

François-Auguste-René Rodin naquit à Paris en 1840. Il reçu une éducation sérieuse et remplie d'affection. Le jeune Auguste va en classe jusqu'à l'âge de 14 ans. C'est un élève médiocre, il a une mauvaise orthographe, mais il est si doué pour le dessin que son père, après s'y être opposé, le laisse entrer à l'École de dessin et de mathématiques (aujourd'hui École des Arts décoratifs), appelée alors la "Petite École", parce qu'on y formait des artisans seulement pour l'industrie.

Le jeune Rodin pourra ainsi apprendre un métier qui l'aidera à gagner sa vie tout en poursuivant des études qui favoriseront sa carrière artistique. 

Il a la chance d'y avoir comme professeurs Lecoq de Boisdaubran et Carpeaux (auteur du fameux groupe de la Danse). Mais c'est un sculpteur nommé Fort qui oriente définitivement Rodin vers la sculpture et décide de sa vocation.
Aussitôt, les professeurs sont unanimes à reconnaître les dons extraordinaires du jeune artiste. Un sculpteur fameux de l'époque, Maindron, consulté à son tour, formule un avis identique.

Les parents donnent alors leur accord, et Auguste Rodin se présente à l'École des Beaux-Arts. Mais, aussi incroyable que cela puisse paraître, il est refusé au concours d'admission trois fois de suite. Il n'y mettra jamais les pieds.

Un travailleur acharné

Le jeune sculpteur travaille durement pour gagner sa vie chez un entrepreneur de maçonnerie et de décoration, où il apprend les détails du métier et acquiert une prodigieuse habileté d'exécution. 
Il est à la fois mouleur, ornemaniste, créateur de modèles pour l'orfèvrerie et l'ébénisterie. En même temps, il cherche à combler ses lacunes en fréquentant assidûment le Louvre et en lisant les œuvres des grands écrivains. La "Divine Comédie" de Dante lui laissera une profonde impression dont on retrouvera ultérieurement les traces dans plusieurs de ses sculptures.

En 1862, à la suite de la mort de sa soeur, Auguste, désespéré, entre à son tour chez les pères du Saint-Sacrement, congrégation française qui vient d'être fondée par saint Pierre-Julien Eymard. Celui-ci est un supérieur clairvoyant. Ayant autorisé le novice à modeler son buste, il comprend vite que la véritable vocation de Rodin n'est pas le cloître ; il lui trouve un atelier pour lui permettre de retourner à son art.

Le travail continue, dur mais passionnant. Toute œuvre terminée augmente chez Rodin le désir de recherche et de perfection. Son talent mûrit peu à peu.

En 1864 il fait la connaissance de Rose Beuret, qui a quatre ans de moins que lui et qui travaille à Paris comme ouvrière en confection. Elle unira sa vie à la sienne, et ne le précédera dans la mort que de quelques mois. Comme il n'a pas d'argent pour payer des modèles, c'est elle qui pose pour lui. Ils vivent pauvrement, mais ils sont heureux. Rodin épousera Rose sur le tard, consacrant ainsi la réussite d'une longue union.

Première renommée

Après la guerre de 1870, Rodin se rend à Bruxelles pour travailler à la décoration de la Bourse. En 1875, il peut enfin réaliser un rêve longuement caressé : connaître l'Italie. Venise, Florence, Rome, Naples lui révèlent leurs trésors. Les œuvres de Donatello, et surtout celles de Michel-Ange, produisent sur lui une profonde impression. Il visite ensuite les cathédrales de France, visite qu'il renouvellera souvent au cours de sa carrière.

De retour à Paris, Rodin expose au Salon des Beaux-Arts sa première grande œuvre : la statue en plâtre d'un jeune homme, représentant l'Age d'airain. Sculptée grandeur nature, la statue donne une telle impression de vie, qu'elle provoque un vif incident : on accuse l'artiste d'avoir fait un moulage sur nature, ce qui est strictement interdit par le règlement. On crie au scandale, les polémiques se succèdent.

Heureusement, un manifeste collectif, signé par des peintres et des sculpteurs, vient au secours de l'artiste, pour témoigner de sa bonne foi et de son génie. Une enquête est enfin ouverte et les accusateurs de Rodin sont confondus. L'État, plus tard, réparera cette offense en lui achetant un bronze, coulé d'après la statue contestée, et en lui accordant une médaille.

Ce premier conflit que rencontre Rodin provoque un grand retentissement en sa faveur. L'Age d'airain, en attirant l'attention du public sur ce sculpteur de 37 ans, inaugure le vrai début de sa carrière, qui durera 40 ans (jusqu'à sa mort).

Bustes, statues et groupes

On peut classer l'énorme production de Rodin en trois types d'œuvres : les bustes, les statues et les groupes.

Dans ses bustes, Rodin cherche plutôt à évoquer la pensée du modèle qu'à en rendre l'exacte figure. Les yeux sont pleins d'expression, une vie intense émane des visages. Les bustes les plus connus sont ceux de Victor Hugo, d'Henri Rochefort, de Falguière, de Clemenceau, d'Octave Mirbeau, de Bernard Shaw, de Gustave Mahler, de Madame Vicunha et plusieurs de Rose Beuret. Ils sont exécutés en bronze, en marbre, en terre cuite ou en plâtre.

Les statues

Les statues sont empreintes d'une puissance inconnue jusqu'alors. Elles expriment au paroxysme les passions humaines, la souffrance, la tension spirituelle. Les corps sont admirablement modelés. Citons notamment Saint Jean-Baptiste prêchant, Balzac, qui marque une date dans l'histoire de la sculpture, et le fameux Penseur , érigé devant le Panthéon et actuellement au musée Rodin. 



Mais c'est peut-être avec les groupes que Rodin atteint le sommet de son art : l'Éternelle Idole, le Réveil, le Baiser, les Bourgeois de Calais et la grandiose Porte de l'Enfer.

Des œuvres à part

Une place à part doit être réservée à des compositions exquises et originales, telles La Main de Dieu, qui représente une main en train d'extraire de la matière des figures humaines ; le Secret : deux mains qui cachent un objet ; et surtout l'admirable Cathédrale : les mains droites d'un homme et d'une femme qui s'unissent pour former un arc ogival.

La "porte de l'enfer"

En 1880, Rodin reçoit la commande d'une porte monumentale destinée au Musée des Arts décoratifs. Inspiré par les "Portes du Paradis" de Ghiberti (à Florence), il se met à l'œuvre avec passion et y travaille pendant 20 ans. 

De cet effort fécond et puissant naît la Porte de l'Enfer, extraordinaire composition de 186 figures qui tourbillonnent dans un vertige d'angoisse, de terreur, de volupté, et frémissent de vie.

L'inspiration débordante de l'artiste dépassa le cadre prévu, et il dut renoncer à placer la porte à l'endroit qui lui était destiné, mais elle demeura pour lui une source d'inspiration intarissable. Il en a extrait les modèles de certaines figures qu'il a agrandies, créant ainsi plusieurs nouveaux chefs-d'œuvre, notamment le Penseur.

Bien qu'inachevée, elle a été exposée à l'exposition universelle de 1900.

Drame de la statue de Balzac

La Société des Gens de Lettres ayant commandé à Rodin une statue de Balzac, le sculpteur effectua une série de recherches avant de s'attaquer à l'œuvre définitive : études de la tête, du corps nu et enfin du personnage habillé. Huit ans après, la statue présentée au Salon de la Société nationale (1898) provoque un des plus grands scandales de l'histoire de la sculpture.



Le comité de la Société, dominé par des préjugés académiques, refuse l'œuvre, ne voulant pas la reconnaître comme étant la statue de Balzac. Les amis de Rodin protestent vigoureusement, et ouvrent une souscription pour acheter la statue et l'ériger sur une place publique. Mais le sculpteur retire l'œuvre du Salon, déclare qu'elle ne sera érigée nulle part, et la fait transporter dans sa propriété de Meudon.

Pourtant, c'était pour lui un chef-d'œuvre, une création qu'il aimait plus que les autres, — "la résultante de toute ma vie, le pivot même de mon esthétique", disait-il.

Consécration d'un génie

Malgré ces diverses oppositions, Rodin reçut quand même de son vivant la consécration de son génie. L'Exposition universelle de 1900, où il eut un stand pour lui seul, place de l'Aima, fut l'occasion d'un véritable triomphe.

En 1907, il acheta l'Hôtel Biron, où il établit son atelier et organisa l'exposition de ses œuvres.Plus tard, il fit don à l'État de l'édifice, sous l'obligation d'y créer après sa mort le "musée Rodin".

La grande guerre assombrit ses derniers jours et, le 17 novembre 1917, Auguste Rodin s'éteignit à Meudon. Les circonstances empêchèrent de lui faire des funérailles grandioses, mais sa renommée s'était déjà propagée dans le monde entier.

Ce génial précurseur de la sculpture du XXème siècle fut en même temps l'un des plus illustres artistes français.

Ses statues sont visibles rue de Varenne, au musée dont les installations furent inaugurées au printemps de 1918. Là, les jeunes sculpteurs peuvent étudier chronologiquement l'œuvre d'un artiste à la fois hardiment novateur et remarquable connaisseur des maîtres d'autrefois.


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