lundi 2 juillet 2012

Gustave Caillebotte ou la photographie de la réalité

Gustave Caillebotte fut à la fois un peintre reconnu et un mécène généreux du mouvement impressionniste.

Il naquit en 1848 dans une famille très aisée qui bâtit sa fortune dans les textiles puis dans les biens immobiliers à l'occasion du re-développement du Paris du Baron Haussmann.
Ingénieur de profession, mais aussi ancien élève de l’École des Beaux-Arts de Paris, il rencontra Edgar Degas, Claude Monet, et Pierre Auguste Renoir dès 1874 et les aida à organiser la première exposition des Impressionnistes à Paris en 1874. 
En 1873, il hérite de la grande fortune de son père et sera financièrement indépendant pour le restant de ses jours. 

En 1875, souhaitant faire ses débuts publics comme peintre, il soumit une œuvre au Salon Officiel qui fut refusée, ce qui l'incita à exposer, soutenu par Renoir, dans le cadre -plus favorable- de la deuxième exposition du groupe impressionniste, en 1876. Ses œuvres et en particulier les "Raboteurs de parquet" y furent remarquées et appréciées. Il participera dès lors aux expositions ultérieures des Impressionnistes.

 Les raboteurs de parquet - 1875 - Musée d'Orsay, Paris

Riche et généreux, Caillebotte aidera financièrement tout au long de sa vie ses amis impressionnistes en leur achetant leurs œuvres à des prix élevés et en supportant les frais de leurs expositions. Il sera co-organisateur et co-financier des 3ième, 4ième, 5ième et 7ième expositions impressionnistes, auxquelles il participera. 

En 1881, il achète une maison avec jardin au Petit-Gennevilliers où il réalisera nombre de ses oeuvres. Horticulteur émérite, il correspond avec Monet à Giverny et crée des orchidées dans ses serres. 

Personnage aux facettes multiples, Caillebotte est également un régatier qui se passionne pour la vitesse et cherche à perfectionner ses bateaux. Architecte naval, il les dessine et les construit lui-même dans un atelier situé à l'emplacement actuel de la SNECMA. Il y créera de véritables pur-sangs du fleuve, aux multiples innovations (voile en soie, lest extérieur, coques aérodynamiques, etc.) avec lesquels il remporte de nombreux titres internationaux. 
 
Caillebotte peignit quelque 500 œuvres dans un style souvent plus réaliste que celui de ses amis impressionnistes. Le peintre s'illustrera particulièrement dans des vues des rues de Paris faites depuis des balcons élevés, dans des scènes de la vie ouvrière, dans des paysages naturels de jardins et parcs, et dans des scènes nautiques (sur la Seine à Argenteuil et sur l'Yerres).
Son souci du détail, ses notes colorées, et son rendu de la lumière font  de lui un grand peintre impressionniste à l'oeuvre originale et diverse.

 Rue de Paris par temps de pluie -  1875- Art Institute of Chicago

Le Pont de l'Europe

 Caillebotte fera don à l'Etat, dans son testament rédigé en 1876, de sa collection en ces termes :
"Je donne à l'Etat les tableaux que je possède ; seulement, comme je veux que ce don soit accepté et le soit de telle façon que les tableaux n'aillent ni dans un grenier ni dans un musée de province, mais bien au Luxembourg et plus tard au Louvre, il est nécessaire que s'écoule un certain temps avant l'exécution de cette clause jusqu'à ce que le public, je ne dis pas comprenne, mais
admette cette peinture. Ce temps peut-être de vingt ans au plus. En attendant mon frère Martial, et à son défaut un autre de mes héritiers, les conservera. Je prie Renoir d'être mon exécuteur testamentaire ..."
Caillebotte devait décéder en 1894 d'une attaque d'apoplexie. Les académistes, conduits par Gérôme, essaient alors d'empêcher l'entrée dans le patrimoine artistique de la France d'oeuvres impressionnistes qui furent constamment refusées au Salon Officiel - en particulier les oeuvres de Cézanne qui faisaient partie de la collection -, et l'Institut de France refuse dans un premier temps le legs Caillebotte aux Musées Nationaux français. 
En 1896, l'Etat autorisera les Musées Nationaux à sélectionner dans l'embarassant legs Caillebotte les toiles dignes de figurer au musée du Luxembourg.
Ceux-ci refusèrent parmi ces "dérives d'un art malsain" vingt sept tableaux sur les 67 de la collection et accepteront : sept pastels de Degas, huit Monet, six Renoir, sept Pissarro, cinq Sisley, deux Cézanne et deux Caillebotte - joints au legs par Martial Caillebotte après la mort de son frère - qui seront présentés dans une annexe du musée du Luxembourg en 1897.

L'exposition suscitera de violents remous et provoquera un scandale politique à l'instigation de Gérôme et dix-sept de ses collègues, membres de l'Institut. Le Sénat sera ainsi saisi de l'affaire.
  Boulevard des Italiens-1880 - Collection particulière

C'est ce don, que Renoir sut imposer à l'État après la mort de Caillebotte, qui permet aujourd'hui à la France de disposer dans son patrimoine d'œuvres majeures de Monet, Degas, Sisley, Renoir...Les oeuvres refusées furent pour la plupart rachetées par un certain Docteur Barnes dont la collection d'Impressionnistes est maintenant enviée par nos musées nationaux (Exposition de la Fondation Barnes au Musée d'Orsay en 1993-94) !
La collection ne sera intégrée au Louvre qu'en 1928, et se trouve aujourd'hui au Musée d'Orsay. 
CAILLEBOTTE et LA CRITIQUE de ZOLA
Zola , qui prendra le parti des Impressionnistes vilipendés par la critique et refusés par le jury du Salon, sera critique à l'égard de Caillebotte dont il dénoncera le réalisme photographique lors de la deuxième exposition impressionniste. Le peintre présentera les huit toiles suivantes : Raboteurs de parquet, Jeune Homme jouant au piano, Jeune Homme à sa fenêtre, Déjeuner, Après Déjeuner et deux Jardins. Zola commentera ainsi le talent de Caillebotte dans ses Lettres de Paris de juin 1876 :

"Caillebotte a exposé Les Raboteurs de parquet et Un jeune homme à sa fenêtre, d'un relief étonnant. Seulement c'est une peinture tout à fait anti-artistique, une peinture claire comme le verre, bourgeoise, à force d'exactitude. La photographie de la réalité, lorsqu'elle n'est pas rehaussée par l'empreinte originale du talent artistique, est une chose pitoyable".

Lors de la troisième exposition impressionniste de 1877, Caillebotte présentera les six toiles suivantes : Rue de Paris, temps de pluie , Le Pont de l'Europe , Portraits à la campagne, Portrait de Madame C ; Portrait et Peintres en bâtiments
 Le peintre, opposé à Degas, boycottera la sixième exposition. Il reviendra en force à la septième en présentant dix-sept toiles, malgré l'hostilité de Pissarro et grâce au soutien de Monet. Monet et Caillebotte ne participeront pas à la dernière exposition impressionniste de 1886.

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