lundi 2 avril 2012

Racines


Parfois invisibles, les racines jouent un rôle primordial dans la vie de l'arbre : rôle de maintien, rôle nourricier et siège des échanges avec les micro-organismes, elles sont indispensables au développement de l'arbre. L'homme utilise volontiers ce terme pour parler de ses origines et de son identité qui se construit à partir de ce qu'il a vécu et de son passé ... 


Racines
 
L’homme ne sait pas rester en place. C’est sans doute ce qui le distingue le plus des arbres. Pour le reste, il tente de leur ressembler, jugeant que ces géants arborent quelque noblesse. 

Toujours debout, souvent ombrageux, tour à tour tête, gueule ou langue de bois, il promène un petit tronc tout gonflé d’importance. Et la quête de ses racines lui fait brancher son nom aux arbres généalogiques, comme ses lointains ancêtres pendaient aux chênes, leurs armes et leurs boucliers.

Les terroirs, dont il se réclame, témoignent plus qu’il ne le croit de ses origines. Car il appartient à la terre. Comme la boue des chemins. Et son destin le ramène un jour à d’autres racines, quand la mort bûcheronne et l’abat.

L’homme ne goûte le souterrain qu’à titre posthume. La terre pourtant s’accroche à ses chaussures sa vie durant. Et quand les beaux dimanches nous promènent, qui songerait que sous nos pas, un petit monde nous guette et nous attend ?

Là, courent les racines dont on sait, par les livres, qu’elles nourrissent l’arbre et l’attachent à sa condition.  Mais leurs mouvements nous restent invisibles. Nous caressons les troncs, voyons pousser les branches, entendons bruire les feuilles. Les racines vont par les  trous, les fossés, les fentes, les galeries, et sont les hôtes familiers des tombes. Toutes sombres demeures.
La ramure avenante, ses spectacles  distraient  de cette  œuvre secrète. Et la terre, tel un ventre, garde des regards ce tas d’entrailles. [ ...] 

Le  sourd enchevêtrement des racines  répond aux entrelacs aériens des branches. Il est la basse continue de la feuillée légère et bruissante, de ses ramages guillerets.  C’est un chœur qu’entend l’oreille musicienne.

Le curieux sait encore ouvrir l’œil. Entre les sentes tortueuses, le minuscule grouille et rampe.  [ ...]
D’entre les racines monte l’odeur de la terre, comme le parfum des cheveux des femmes. Chevelures des ténèbres, que ne démêle aucun matin, que ne dore aucun soir.

Seule la pluie vient à rouler ses perles et lui porte des morceaux de ciel. 

Mary Gérard VAUDE (Portrait des arbres de France)

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