dimanche 21 octobre 2012

L'impressionnisme et la mode


Edouard Manet (1832-1883)
Jeune dame ou La Femme au perroquet, 1866


Les peintres, désireux de traduire l’esprit de leur temps, ont beaucoup observé l’habillement de leurs contemporains. Se faisant les témoins de leur époque, ils ont représenté les femmes, notamment, traduisant une certaine élégance parisienne.
Soucieux de rendre compte de la vie contemporaine, l'impressionnisme représente l'homme moderne dans son milieu quotidien et ses activités habituelles, à la ville comme à la campagne.
Bien qu'ils ne s'attachent pas à la représentation scrupuleuse de la physionomie, du costume et de l'habit, les impressionnistes n'en rendent pas moins compte des modes et des attitudes de leur temps. 


L’exposition du Musée d’Orsay se penche sur cet aspect très particulier de la peinture impressionniste associé à la mode. A côté de leurs peintures, le musée expose des vêtements et accessoires d’époque, prêtés par le musée Galliera de la mode. Une quarantaine de tenues de la période 1860-1885 qui ont été nettoyées et restaurées pour l’occasion.

La mode à l'heure des grands magasins


C’est l’époque où naît la mode, où les revues spécialisées se développent, tout comme les grands magasins qu’a décrits Zola dans « Au Bonheur des dames ».

Au bonheur des dames, illustrent la frénésie de froufrous, les exigences des clientes, les premières idées de "marketing" pour convaincre les clientes des classes plus modestes de copier les tenues bourgeoises. L'exposition nous place dans ce contexte parisien : la mode, le nouveau Paris, la condition de la femme, la parisienne.

Les grands magasins proposent des toilettes élégantes, des robes de grande qualité et des chapeaux cherchant à rivaliser avec les meilleurs faiseurs de Paris.

2 mars 1884 – Inauguration des grands magasins du Printemps



"C’était la cathédrale du commerce moderne...Toute une émotion fermentait dans les boutiques du voisinage ; et l'on voyait, contre les vitres, les faces pâles des petits commerçants, occupés à compter les premières voitures, qui s'arrêtaient devant la nouvelle porte d'honneur.
Mouret avait l'unique passion de vaincre la femme. Il la voulait reine dans sa maison, il lui avait bâti ce temple, pour l'y tenir à sa merci."  Emile Zola – Au Bonheur des Dames 1883

Suivent des gravures de mode et une galerie de robes qui permet d’apprécier la qualité des tissus et du travail : des soies ou des cotons tombant sur des crinolines dans un luxe de fronces et de plis. Plus loin, on verra une collection de chapeaux, des ombrelles, des souliers de satin assortis, de la lingerie.
A la fin du XIXe siècle, sous leurs robes, les élégantes Parisiennes empilaient en effet une chemise, un corset qui étranglait la taille pour faire ressortir la poitrine, un corsage, une culotte, un jupon.


"Le peintre moderne... est un excellent couturier." Joris-Karl Huysmans, 1876

Robe du XIXè tout droit sortie d'un tableau

  
 Édouard Manet (1832-1883) - La Parisienne - 1875


Cette oeuvre d'Edouard Manet présente Madame Bartholomé dans une serre avec une robe saillante. Cette robe a été créée à partir de l’œuvre d'Albert Bartholomé.

 
 Albert Bartholomé (1848-1928)- Madame Bartholomé dans la serre - 1881

 Edouard Manet - 
Le balcon avec Berthe Morisot et Eugène Manet son mari, le frère de l'artiste

L’été, ce sont des robes de mousseline blanche que les jeunes femmes déploient dans les jardins. Berthe Morisot a particulièrement bien rendu leurs transparences et leur lumière.

Renoir et Manet ont merveilleusement traduit les transparences des manches qui laissent apparaître la chair, le mouvement des silhouettes dans les étoffes, les empilements de plis. Ils rendent compte des modes et des attitudes des Parisiennes dans leur environnement quotidien. A la maison, au jardin, au théâtre...

Pierre-Auguste Renoir (1841-1919)
Portrait de Madame Charpentier et de ses enfants, 1878

Le noir est déjà à la mode. Madame Charpentier, assise dans son salon, laisse traîner une longue robe noire par terre. Tout est matière dans ce tableau, les tissus, les tapis, la peau blanche des enfants aux boucles rousses, le pelage du gros chien sur lequel l’un des deux est assis. 
 
Edouard Manet, La Dame aux éventails, 1873
 Edouard Manet, Portrait de Nina de Callias dit la Dame aux éventails, 1873

Son modèle est Nina de Callias, une femme fantasque, alternativement exaltée et neurasthénique, d'un tempérament névrotique que l'alcool conduit bientôt à la folie et à une mort prématurée à trente-neuf ans. A l'époque de ce portrait, Nina est âgée d'à peine 30 ans et tient un des salons littéraires et artistiques les plus brillants de Paris. Elle pose dans un de ses costumes "à l'algérienne" qu'elle aime porter pour recevoir. 
Le choix des éventails permet d'évoquer le bric-à-brac japonisant du petit hôtel particulier qu'habite le modèle.


En soirée 

  Pierre-Auguste Renoir
Jeune femme à la voilette, 1870 
 
 Pierre-Auguste Renoir,  
Danse à la ville, 1883 & Danse à Bougival

Représentée par les impressionnistes, sous l’appellation de “La Parisienne”, elle transcende les origines sociales. Grande bourgeoise ou simple vendeuse, cousette ou demi-mondaine, “La Parisienne” devient un sujet de prédilection pour les peintres, férus de modernité, et fait rêver le monde entier.

 
 Pierre Auguste Renoir, La loge,1874


Mais derrière la poésie, il y a aussi l'exigence pour les femmes de l'époque de toujours être en tenue, jamais en cheveux. Au moins sept tenues pour une journée, pour la promenade, pour recevoir, être vue et se montrer, et des corsets qui enserrent la taille. Mais la mode évolue vite et le confort devient également une exigence, comme dans les tenues d'été en lin qui permettent de se mouvoir et de relever ses jupes. 

Jean Béraud - Une soirée 1878

"La femme est sans doute une lumière, un regard, une invitation au bonheur, une parole quelquefois; mais elle est surtout une harmonie générale, non seulement dans son allure et le mouvement des ses membres, mais aussi dans les mousselines, les gazes, les vastes et chatoyantes nuées d’étoffes dont elle s’enveloppe, et qui sont comme les attributs et le piédestal de sa divinité." 
Charles Baudelaire Le peintre de la vie moderne, Curiosités esthétiques - 1868.

Edouard Manet 
Madame Louis Joackim Gaudibert - 1868

Gustave Caillebotte (1848-1870) 
Rue de Paris, jour de pluie, 1877

Mode en plein air

Pour les Impressionnistes, les loisirs de plein air sont étroitement liés au monde de la mode. Toutes les occasions sont bonnes en effet pour montrer sa toilette élégante. 

Claude Monet (1840 - 1926)
Le déjeuner sur l'herbe, 1865 – 1866


Monet
Les promeneurs
Scène de bonheur

La jeune femme de La balançoire porte une élégante mousseline blanche agrémentée de noeuds et de rubans bleus. La toilette est simple et indique un changement dans les tenues féminines.
Les hommes, quant à eux, toujours en costumes sombres, permettent les jeux de lumière.


Pierre-Auguste Renoir, La balançoire
Pierre-Auguste Renoir, Lise, la femme à l'ombrelle
Sa femme Lise en mousseline blanche

Autrement dit, les peintres firent de la mode un symbole de modernité. C’est l’époque du nouveau Paris de Napoléon III et d’Haussmann, qui voit l’émergence d’une classe bourgeoise et le développement des grands magasins.


L'exposition ira ensuite au Metropolitan puis à l’Art Institute de Chicago, qui ont collaboré avec le musée parisien et prêté des toiles prestigieuses.

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