Mariage italien à Bruges
C’est son portrait qui a attiré ma curiosité en premier. Ce chien, symbole de fidélité et de prospérité, placé par le peintre aux pieds des époux, tout petit, la queue
en l’air, le poil long, l’œil morne inexpressif, qui brille bizarrement.
Lueur de début d’après-midi, observons ce couple immobile.
Jan van Eyck : Le portrait des époux Arnolfini, 1434 - huile sur panneau en chêne 82 cm x 62 cm – Londres, National Gallery
Nous pouvons imaginer par leurs tenues et postures qu'il s'agit d'une cérémonie. Ces nobles ne s’étaient pas mariés à l’église.
Ils préféraient l’intimité de leur demeure. Seuls, deux témoins, le chien et Jan le peintre, avaient été conviés. Ce couple s'était administré
eux-mêmes le sacrement du mariage.
Peu de temps avant le mariage,
ils avaient passé commande de leur portrait. Une fois les festivités
terminées, quelques jours passèrent. Un matin, Jan arriva avec son
matériel. L’artiste demanda aux époux de revêtir à nouveau les habits du
mariage et de refaire les gestes de la cérémonie. Il posa le panneau en
bois sur le chevalet et commença à peindre. Il revint souvent puis, un
jour, il annonça qu’il avait terminé et finirait les détails dans son
atelier.
Ce tableau peut laisse perplexe, voir horripilé de voir cette femme passive, presque servile, posant sa main dans le
creux de celle de cet homme qui va devenir son mari.
Lui, c’est Giovanni Arnolfini.
Il est riche et le montre. Ce n’est pas trop difficile lorsque l’on est
le fils d’une famille de commerçants et banquiers italiens ! Conseiller
financier du duc de Bourgogne, c’est une personne importante à Bruges où
ses affaires sont prospères.
Un profil
chevalin, un gros nez aux narines dilatées, des yeux pas francs. De
plus, il est maigrelet, les épaules étroites et tombantes. Ses mains
blanches sont aussi fines que celles de sa femme.
Il a revêtu une tunique en
velours fourrée de vison. Cette couleur sombre le rend encore plus
triste… macabre… Pourquoi s’est-il affublé de
ce chapeau noir cylindrique beaucoup trop grand pour lui ?
Elle, c’est la fille d’un
banquier italien. Ces affairistes ont envahi
Bruges où le commerce est florissant. Elle a presque le même prénom que
lui : Giovanna.
Le peintre a su la mettre en
valeur. Elle porte une superbe robe verte ourlée d’hermine. Son joli visage
poupin est éclairé par la coiffe blanche. Dommage qu’il y ait ces
cornes brunes qui dépassent au-dessus de chaque oreille… Consciente de l’importance du moment, elle
esquisse un léger sourire. Sa main posée sur son ventre laisse indiquer
ce que nous pressentons tous...
La robe verte de Giovanna explose sur le tissu rouge du lit !
La robe verte de Giovanna explose sur le tissu rouge du lit !
Tous les deux ont une position inerte comme figés et sans vie vie.
Giovanni tend maladroitement la main gauche à sa femme. Dans les
mariages, il s'agit généralement de la main
droite utilisée pour faire ce geste rituel ? Son autre main est étrangement levée
à hauteur de sa poitrine… Un serment de mariage ?
Habituellement, le lustre en
métal a six bougies. Sur le tableau, une seule bougie est allumée. La flamme serait un symbole
du Christ, témoin du mariage, paraît-il ?
Dieu… Les symboles…
Jan disait souvent que les objets parlaient et délivrent des messages symboliques un peu partout dans le tableau en signe de bonheur conjugal : la bougie unique sur le lustre, la statuette de sainte Marguerite, patronne des futures mères, domine le haut dossier de la chaire derrière le lit avec son petit balai accroché. Le chapelet suspendu à côté du miroir évoque la foi des mariés. Même les oranges posées sur la table veulent dire quelque chose semble t-il ?
Curieux
miroir ? C’est un miroir de sorcières. Sa forme convexe agrandit le
champ de vision. Les époux sont montrés de dos dans le reflet du verre.
Même les poutres du plafond apparaissent.
Il n'a pu résister au plaisir de se
peindre dans le reflet du miroir.
Petit détail ! Il a modifié sa signature placée entre le miroir et le lustre. Il a inscrit : « Johannes de eyck fuit hic » au lieu de « fecit » (« était là » au lieu de « l’a fait »). C’est sa signature en tant que témoin de leur mariage.
Au 15e siècle, la peinture flamande devient moins religieuse et les peintres sont très demandés par les bourgeois pour des portraits individuels les représentant dans le monde où ils vivent. Ce sont les premières représentations de scènes de genre qui feront le succès des peintres néerlandais du 17e.
L’utilisation de la peinture à l’huile était récente. Les frères van
Eyck (Hubert et Jan) améliorèrent son usage ce qui donna aux couleurs
l’éclat et la solidité que n’avait pas l’ancienne technique de la
tempera à base d’œuf et de colle.
Ce nouveau procédé pour peindre permit à Jan van Eyck de se démarquer
des peintres des décennies précédentes. Son travail était millimétré,
méticuleux, fait avec des pinceaux extrêmement fins, ce qui lui
permettait de rendre chaque matière avec une grande habilitée dans les
détails.
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